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Les pratiquants, au cours des discussions que j'ai eu avec certains, considèrent que chaque grade correspond à un nouveau palier "spirituel". En effet l'Homme se trouve confronté, à une étape clef, à un blocage qu'il doit tout d'abord comprendre et maîtriser pour ensuite le transcender. Cela semble au premier abord un peu fumeux et je souhaite donc bêtement le vérifier. Ainsi je vous propose de me suivre grade à grade à travers ce carnet de route qui pour moi sera le moyen de voir si effectivement on peut noter une évolution de ma pensée, de mon rapport à l'autre, de ma vision du monde ... L'initiation Octobre 2001 - La première découverte se fait par l'intermédiaire d'un flyer collé sur un pare-brise de voiture. Après un contact téléphonique, un premier cours gratuit en "test" m'est proposé. Equilibre des énergies, corps conscient .... cela suinte dangereusement le développement personnel et la kyrielle de psychopathe dogmatique rattaché derrière. Donc au premier abord une certaine méfiance. Sur le tatami cette première séance test ne m'apprend rien du tout. En fait l'Aïkido ne peut s'appréhender en quelques séances. En effet, les techniques mises en uvre sont si complexes qu'un profane ne peut se les approprier en si peu de temps. Par contre les vieux mécanismes de la boxe vietnamienne ressortent et j'irais bien faire un petit balayage au zigoto qui gigote en face de moi. Mais comme j'ai réellement conscience que cela serait très mal perçu par l'assemblée je m'en abstiens. Et le petit zigoto qui s'agite est mon prof et doit faire ses deux mètres tout tassé. J'ai ma première grosse déception : la jupette noire n'est pas pour les novices mais simplement pour les 1er Dan (ceinture noire) ou en tout cas réservée à ceux qui ont décidé d'étudier réellement l'Aïkido. L'ensemble des enseignements s'entoure d'un protocole totalement désuet en France car issu en droite ligne d'une conception confucéenne de la société alourdi par les pratiques héritées de la période Edo. De même le fondateur (mort), Kobayashi, est glorifié tel un gourou : Maître Kobayashi a fait ceci, a dit ceci ... tout ce qu'il a dit ou fait est glorifié à l'extrême. La pratique de l'Aïkido n'est pas codifiée à travers une ligue par exemple. Donc chaque école pense être porteuse du véritable Aïkido et dénigre les autres : bataille de clochers et afin de se justifier on comprend la quasi déification du fondateur. En mettant de côté ces aspects purement "panier de crabe", le plus étonnant pour moi est l'utilisation d'une langue japonaise dégénérée, n'utilisant plus les kanas, ne s'intéressant pas à la grammaire mais où chaque pratiquant se doit de connaître des bouts de phrases qu'ils ânonnent dans certaines situations ... Pourquoi alors pratiquer ? Car l'Aïkido reste un Art Martial à part entière et une pratique régulière permet d'acquérir certaines techniques et de maîtriser des aspects qui me semblent intéressants. Ainsi la notion de "corps conscient" oblige le pratiquant à oublier ce qu'il a appris, à ne pas réfléchir afin de laisser son corps trouver la juste place et la technique se faire d'elle même dans une certaine inconscience.
Mai 2002 - En fait d'Aïkido, me voilà faisant effectivement de l'Aïkido mais aussi de l'Aïkitaïso, de l'Aïkiken et de l'Aïkijo, le tout demandant beaucoup de travail. Mon investissement en temps fait croire à ma femme que je suis tombé dans une secte. Sur ce point je n'ai pu que la rassurer, mais l'Aïkido nécessite beaucoup de travail pour un piètre résultat. Il faut par conséquent essayer de s'y consacrer sérieusement et ne pas "consommer" des séances d'entraînement. Le travail des armes est indispensable car il vient compléter le travail à main. Par contre la pédagogie est pour moi assez déroutante. Une technique est systématiquement vue très rapidement et il me semble difficile voir quasiment impossible de les mémoriser. Bien que l'on y fasse jamais allusion (allez, une seule fois !) au cours des différents enseignements que j'ai suivi, la pensée Zen est fortement présente. Je ressens une base solide dans ce sens, par contre elle n'est pas travaillée. Peut être l'absence d'un maître au sein de l'école ? J'ai lu récemment un ouvrage d'Herrigel, "Le Zen dans l'art chevaleresque du tir à l'arc". Professeur de philosophie parti avec sa femme enseigner au Japon, les deux souhaitaient s'initier au Zen. Un proche japonais leur a conseillé de ne pas essayer d'appréhender le Zen directement mais par des détours : l'un a choisi le tir à l'arc et l'autre la calligraphie. Au final ces deux expériences sont similaires pour appréhender le Zen, car celui-ci ne se laisse pas formaliser. Je sens au sein de l'Aïkido une forte influence de la philosophie Zen, mon seul regret c'est qu'elle ne soit pas exploitée. Peut être parce que je suis novice, ou dois-je plutôt me lancer à la recherche d'un maître ? Pourtant je ne cherche pas un maître mais simplement une lumière. Certaines expériences me rapprochent de cet état d'esprit de sérénité me faisant englober la force de l'univers (en effet de simples activités peuvent déboucher sur une expérience extatique) et j'aurais souhaité progresser aussi dans cette voie. Le passage de grade en lui-même ("le jour de l'examen") est très particulier. Déjà beaucoup de monde de présent, ce qui montre une école dynamique. Ensuite chaque élève a la même chose à faire quelque soit son Kyu, par contre la qualité de son travail et la maîtrise des techniques s'en rescentent de suite ; on peut ainsi juger de la qualité technique des pratiquants. Suite à ce passage deux sentiments cohabitent en moi. Le premier est un fort désir de passer les autres grades le plus rapidement possible. Ce défilé de pratiquants m'a permis de me situer techniquement et j'ai l'impression (orgueil quand tu nous tiens) de pouvoir "prétendre" au quatrième ou troisième Kyu. Le deuxième sentiment est que ce n'est pas moi qui ait été examiné, mais plutôt mon professeur (qualité de l'enseignement, transmission des valeurs de l'école et autres domaines), l'examinateur se contentant non pas de porter un jugement mais plutôt d'indiquer des voies vers lesquelles le pratiquant se doit de concentrer ses efforts. Les deux remarques qui m'ont été faites :
Mon fils est très déçu que je ne revienne pas avec un trophée si au moins ma couleur de ma ceinture ne change pas.
Patientons encore |